RÉSIDENCE : DU CÔTÉ DE CHEZ ELLE(S)
déc 24 & janv 26
QUAND MAGALI ET VALÉRIE M’ONT PRÉSENTÉ LEUR PROJET, J’AI ÉTÉ IMMÉDIATEMENT SÉDUITE PAR L’IDÉE DE CONFRONTER LEUR DEUX MILIEUX RESPECTIFS ET DE RACONTER UNE RENCONTRE QUI, SANS LE THÉÂTRE, LA POSSIBILITÉ DU JEU ET DE LA TRANSFORMATION N’AURAIT JAMAIS PU AVOIR LIEU.
ISABELLE POUSSEUR
Plantons le décor :
Les parents de Magali étaient tous les deux instituteurs d’un petit village du Berry en France et ils l’étaient par choix. Ils étaient aussi communistes, la mère ayant entraîné son père à adhérer au parti. La mère de Magali est maintenant décédée mais son père est toujours militant. On peut le voir, sur une photo, en compagnie de Raoul Hedebouw, à Liège défiler derrière une pancarte du Comité belge des amies et amis de la Commune de Paris. Magali a vécu une grande partie de son enfance et adolescence dans la maison de l’Éducation nationale, installée au sein de l’école de Villabon, dans le département du Cher.
Valérie vient d’une famille belge riche, une famille d’artisans qui s’élève de siècle en siècle pour aboutir dans l’industrie brassicole et sidérurgique au XIX siècle avant de s’épanouir dans la haute finance au XX siècle dit le journal Le Soir. Cette famille règne sur un domaine du Brabant Wallon Archennes. Pour reconstituer une fortune qui s’étiolait et récupérer le domaine, familial, le père de Valérie a cherché fortune au Congo, s’est impliqué dans la sécession katangaise puis est devenu, à travers la BCZ (banque commerciale zaïroise) le banquier de Mobutu.
Valérie et Magali se rencontrent au Conservatoire de Bruxelles et, malgré tout ce qui les différencient, deviennent amies. Elles vivent cette amitié toujours très forte aujourd’hui comme une sorte de miracle improbable qui, sans le théâtre, n’aurait vraisemblablement pas été possible.
À ma demande, lors de notre semaine de discussion sur ce projet, Valérie et Magali ont proposé une sorte de note d’intention orale afin d’aller plus loin dans l’expression de leur désir.
De celle de Valérie se dégage le désir de mettre en regard, en opposition, une éducation formatée, un milieu qui définit, sculpte et rejette ceux qui sont trop différents et la rencontre avec le théâtre vécu ici comme déconstructeur de cette structure très fermée, comme possibilité d’une mise à nu et d’une rencontre avec des altérités.
De celle de Magali se dégage le désir de parler des « humbles » de sa famille, les femmes en particulier et de rendre compte d’une histoire de luttes et de progrès -jamais complètement acquis cependant- vers plus de liberté. Elle souhaite aussi raconter ce qu’est une amitié quand elle paraît peu probable, inattendue, et, de ce fait même, unique et précieuse.
Magali et Valérie ont ensuite entamé, toujours à ma demande, une sorte de carnet anthropologique de leur milieu. Je leur ai donné un questionnaire non exhaustif qui est toujours en cours (et sans doute pour un bon moment) : elles ont toutes les deux répondu à certaines questions -mais pas encore à toutes – ; quant à moi, je continue à affiner ces questions et à en imaginer d’autres.
Isabelle Pousseur, Magali Pinglaut, Valérie Bauchau.
Collaboration à la mise en scène Jean-Baptiste Delcourt
Distribution en cours.